Biographie
Satprem (né Bernard Enginger) décéda le 9 avril 2007 à l’âge de 84 ans. A travers ses livres, et particulièrement à travers son rôle dans la publication des 13 volumes de l’Agenda de Mère, Satprem joua un rôle-clé non seulement en introduisant de nombreuses personnes au travail de Sri Aurobindo et de la Mère, mais aussi en expliquant la portée et la signification de la formidable odyssée qu’ils avaient entreprise. Ses écrits ont inspiré, et continueront à inspirer, des gens dans le monde entier avec leur appel ardent pour reprendre le formidable travail de transformation physique commencé par Sri Aurobindo et La Mère, un travail que lui et son collaborateur spirituel, Sujata, essayèrent de continuer après la mort de Mère. Il fut également un personnage d‘une considérable influence à Auroville pendant les premières années et pendant le conflit avec la Société Sri Aurobindo, une bataille qu’il vit comme crucial pour l’intégrité d’Auroville et pour la progression du travail de Mère. Satprem fut un personnage charismatique qui, de par ses positions sans compromis, s’attira une grande loyauté de la part de certains et des critiques de la part d’autres. Survivant des camps de concentration, il s’éleva contre toutes les formes de tyrannie. Néanmoins, certains le blâmèrent pour sa critique acerbe envers l’Ashram de Sri Aurobindo et pour ses attaques contre ceux qui ne suivirent pas le chemin qu’il préférait.
Ce qui suit est une version abrégée d’une brève biographie de Satprem dans le livre de Georges van Vrekhem intitulé « Beyond Man ».
Satprem (…) est un Français qui est né à Paris en 1923, mais qui toujours se rappela avec nostalgie sa jeunesse sur la côte bretonne. Durant la Seconde Guerre mondiale, il devint membre de la Résistance. Il venait d’avoir vingt ans quand la Gestapo l’arrêta ; il passa un an et demi dans des camps de concentration allemands. Après la guerre, et profondément marqué par ces expériences, il devint un chef de file des problématiques et de la vision de la vie de l’Existentialisme, bien que ni Sartre ni Camus mais Gide et Malraux furent ses principales sources d’inspiration.
En 1946, il écrivit dans une lettre à André Gide: « Je vous aimais, et certain passages de vos livres m’ont aidé à survive dans les camps de concentration. De vous j’ai reçu la force de me détacher d’un confort bourgeois matériel. Avec vous, j’ai cherché “pas autant pour la possession que pour l’amour”. J’ai fait un grand ménage pour être complètement nouveau devant la nouvelle loi. Je me suis rendu libre… Finalement, je me suis détaché de vous, mais je n’ai pas trouvé de nouveaux maîtres et la vie continue de me faire suffoquer. La terrible absurdité des semblables de Sartre et Camus n’a rien résolu et n’a fait qu’ouvrir les portes du suicide.”
Satprem travailla brièvement comme fonctionnaire dans l’administration coloniale de Pondichéry, mais il se sentit partout insatisfait et frustré et partit à la recherche de l’aventure en Guyane française, au Brésil et en Afrique.
Néanmoins, à Pondichéry il reçut le darshan de Sri Aurobindo et de la Mère, et il transporta La Vie Divine avec lui, même dans les forêts pluviales de l’Amazonie. En 1953, après ces vagabondages, il retourna à Pondichéry pour rencontrer La Mère et s’installer à l’Ashram contre sa nature individualiste et rebelle. « [Je fus] un bon Occidental rebelle et toutes les manières de changer le monde semblent a priori excellents », écrit-il. Il enseigna pendant un temps à l’école de l’Ashram, et avec son remarquable talent littéraire il prit soin de la version française du Bulletin du Département d’Education Physique qui, en fait, fut une publication de La Mère. Ce périodique fut (et est toujours) un trimestriel et tous ses textes étaient imprimés en anglais et en français.
Les premières années de Satprem à l’Ashram furent une période d’insatisfaction, d’agitation, de doutes, et parfois d’une révolte bruyamment exprimée. Il a inclus une partie de sa correspondance avec La Mère dans le premier volume de l’Agenda; ces lettres nous présentent une image mouvante de la patience, de la compréhension et de l’amour avec lesquels La Mère traita son enfant rebelle. Elle n’a jamais accepté quelqu’un pour le Yoga sans raison, et quand elle accepta quelqu’un, ce fut de manière inconditionnelle et pour toujours. A chaque fois, Satprem imagina qu’il devait trouver l’accomplissement intérieur dans l’aventure. Il n’y a pas un endroit exotique sur Terre vers lequel il ne se sentit pas attiré ; Congo, Brésil (encore), Afghanistan, Himalayas, Nouvelle Zélande, désert de Gobi, un voyage autour du monde sur un voilier, tout ça et plus était évoqué dans ses lettres. Mais La Mère savait ce qui le motivait réellement et elle le laissa devenir, en 1959, le disciple d’un yogi tantrique très compétent qui était également le prêtre supérieur du grand temple de Rameshwaram. Puis, guidé par un autre yogi, Satprem erra pendant six mois en tant que sanyasi (moine mendiant) à travers l’Inde et reçut l’initiation des sanyasis. Son roman Par le corps de la terre, ou le Sanyassin est basé sur ces expériences.
Mais “l’oiseau retourne toujours au nid”, à l’Ashram à Pondichéry, à La Mère. Elle commença à l’inviter de temps en temps dans sa chambre, au départ apparemment pour des tâches littéraires en relation avec le Bulletin. Il devint de plus en plus fasciné par elle. Il posait des questions (ou elle lui inspirait les questions) et elle répondait. “Au début, elle devait m’appeler, et il y avait ce grand fauteuil dans lequel elle était assise, et je m’asseyais sur le tapis par terre et l’écoutais. Franchement, elle en savait tellement. C’était formidable de l’écouter. Mais plus important, petit à petit elle commença à raconter son expérience.”
Néanmoins, Satprem pouvait exprimer violemment ses émotions ; c’était un homme cultivé et qui possédait une formidable intelligence, des intérêts très variés, et en tant qu’écrivain un style passionné et coloré. Nous avons également vu que La Mère se plaignait du manque de curiosité intellectuelle et d’intérêt culturel et général parmi les gens autour d’elle. Elle avait tant à communiquer, à partager, son savoir et son expérience étaient si étendus dans tous les domaines fondamentaux où l’être humain est confronté aux “grandes questions”, mais si peu lui fut demandé à propos d’elle. “Je suis une petite cloche qu’on ne sonne pas”, dit-elle. Là enfin un homme avec un esprit analytique, une expérience de la vie poignante et une soif de savoir – l’instrument idéal pour communiquer aux autres un aperçu de son incroyable aventure à elle. Au même moment elle travailla sur lui, en lui ; elle fit son yoga comme elle fit le yoga à tous ceux qu’elle avait acceptés et pris en elle.
Satprem commença à réaliser l’importance de ces conversations avec La Mère et prit un enregistreur dans sa chambre. Ainsi naquit l’Agenda .Une partie de celui-ci concernait le travail littéraire qu’il faisait pour La Mère ; une autre partie concernait sa propre évolution yogique, son éducation yogique ; et la troisième partie des conversations de La Mère, en grosses lignes, sur le processus de sa transformation. Tout ce que disait La Mère était intéressant, tout était informatif et instructif, bien qu’elle n’aurait elle-même jamais autorisé que des passages confidentiels parlant de personnes de son entourage ne soient publiés.
Après le décès de La Mère, une rupture advint entre l’Ashram et Satprem, avec de regrettables conséquences. Sous la direction de La Mère, il avait écrit Sri Aurobindo, ou l’Aventure de la conscience, un livre qui a mené tant de gens vers Sri Aurobindo et La Mère.
Il lui avait également lu La Genèse du surhomme, un essai dont elle avait fait plein de louanges. Puis après son départ, il écrivit la trilogie Mère, dans laquelle pour la première fois il analyse et commente l’inestimable matériel de l’Agenda dont il était alors l’unique possesseur. Le mental des cellules est une sorte de cristallisation de la trilogie, et dans Gringo et récemment dans Evolution II [et Notebooks of an Apocalypse, il décrit sa propre évolution (…) Dans une lettre de 1983, on peut lire : « Je devais prendre la décision d’abandonner parce que je ne progressais plus dans mon travail [intérieur], je continuais à tourner en rond. Il doit y avoir au moins un être humain pour prouver, pour montrer au monde que le chemin de la nouvelle espèce est réalisable pour l’humain. Sinon, quel est l’intérêt de ce que Mère et Sri Aurobindo ont fait pour l’humanité ? »